« Au Sahel, les victoires sont discrètes mais régulières »

Député du Morbihan, vice-président de la commission Défense à l’Assemblée nationale, Jean-Michel Jacques présente les enjeux du « G5 Sahel ». Initialement prévu ce lundi, Emmanuel Macron l’a reporté à début janvier.

Vous revenez du Tchad et du Mali, pour le compte de la mission parlementaire dont vous êtes rapporteur. Lorsque vous y étiez, 13 militaires français y ont péri. Quel est le sens de l’engagement militaire français au Sahel ?

C’est simple : nous menons là-bas le même combat que contre les terroristes du Bataclan. C’est la même guerre. C’est ce qu’il faut sans cesse avoir à l’esprit : l’engagement militaire de la France a pour objectif d’éviter une déstabilisation généralisée des pays de la bande sahélo-saharienne par des groupes jihadistes. Eux n’ont qu’une obsession : créer un proto-État et poursuivre leurs actions terroristes, sur le territoire français notamment. C’est triste, mais il faut être lucide, notre présence là-bas risque de nous amener à perdre d’autres hommes sous uniforme français.

Serval d’abord, Barkhane désormais : quels sont les contours de cet engagement ?
Serval, très offensif, devait stopper net le développement des milices jihadistes au Sahel. Barkhane a désormais pour mission de réduire la menace là où elle se reconstitue. Les groupes jihadistes ont changé de tactique. Auparavant, ils étaient en groupes constitués en permanence. Aujourd’hui, leurs membres se fondent parmi la population, pour ne se reconstituer qu’au dernier moment. Nous les traquons, leurs campements, leurs caches d’armes… Et je vous assure que les victoires sont régulières, quoique discrètes.Pourquoi la France intervient-elle seule là-bas ?
Il n’existe pas beaucoup de pays européens en mesure de déployer autant d’hommes sur des théâtres extérieurs (NDLR : la France compte 4 500 militaires là-bas, sur les 7 000 déployés en opérations extérieures). Il faut rappeler que, d’un point de vue logistique, pour le transport des troupes notamment, la France reçoit l’appui de ses alliés européens. Par ailleurs, dans l’esprit de l’Initiative européenne d’intervention, la Force Takuba, qui veut dire « sabre » en touareg, est en train d’être mise sur pied. Elle regroupera les forces spéciales d’une dizaine de pays européens et devrait être mise en place mi-2020. L’idée est aussi de transmettre leur savoir-faire aux militaires maliens. Et puis, il ne faut pas oublier les missions de la Minusma, l’EUTM, et l’EUCAP : l’Union européenne et l’ONU y sont aussi présents, d’une façon différente.

Pourquoi Emmanuel Macron souhaite-t-il la réunion du « G5 Sahel » (Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso et Tchad) ?
Dans tout ce contexte, il s’agit pour les pays du « G5S » de reformuler et repréciser leurs demandes, et nous, souverainement, de décider ce que l’on veut faire ou ne pas faire. Au Mali, des voix se sont élevées contre la présence de la France, souvent appuyées par des fake news relayées sur les réseaux sociaux. Le silence de l’État malien interroge : il n’a pas fortement dénoncé ces propos mensongers. Tout cela demande une clarification. Parce que le mandat de Barkhane n’a en aucun cas pour objet de prendre la place de nos partenaires. Mais pour cela, il faut qu’ils puissent être en mesure d’assumer leur propre sécurité. On fait des choses, OK, mais s’il n’y a pas de résultat, on peut aussi décider de faire les choses différemment. Il est nécessaire que les État africains concernés améliorent leur gouvernance. De mon point de vue, ce sera l’occasion aussi de mettre des notions de redevabilité sur la table. Mais là, je parle en mon nom, pas en celui de l’exécutif.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que la France y défend surtout des intérêts économiques ?
C’est ridicule, c’est un raccourci total. La France, partout où elle est présente, peut avoir des intérêts économiques parce que le monde économique est mondialisé ! C’est donc absurde d’en arriver à ce genre d’arguments. Ceux qui les propagent, les populistes souvent, surfent sur de fausses informations pour capter peut-être une partie de l’électorat sur des schémas simplistes… Les intérêts français, et européens, sont simplement d’éviter cette déstabilisation généralisée et la constitution d’un État islamique. Pour permettre notre sécurité, mais aussi la sécurité qui est indispensable à ces pays du Sahel pour poursuivre leur développement.

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