La France a raison de montrer la voie et de mettre à l’agenda international la gouvernance des océans. C’est tout le sens du One Ocean Summit qui se déroulera du 9 au 11 fevrier à Brest. Alors que les tensions entre Etats s’exacerbent de part et d’autre du globe, il faut à tout prix éviter que les océans – et a fortiori les eaux internationales – ne deviennent des espaces de prédation géopolitique et de non-droits.
Sous l’effet de la mondialisation et du retour en grande pompe des stratégies de puissance, les espaces maritimes sont devenus à la fois sources de grande convoitise et de contestation. La problématique de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée en est, entre autres, une manifestation notoire. En effet, le constat est sans appel : entre 20 et 30% des ressources halieutiques capturées chaque année proviennent de cette pratique illégale. Si ce phénomène n’est pas nouveau, hélas, il prend de plus en plus d’ampleur. A la croisée des enjeux environnementaux, socio-économiques, géopolitiques et sécuritaires, la pêche illicite est devenue un sujet éminemment stratégique que la France, l’Europe et toutes les bonnes volontés doivent prendre à bras le corps… d’où la nécessité de fixer des règles claires et communes à tous.
De la Mer de Chine jusqu’au Golfe de Guinée en passant par la haute mer, tous les espaces maritimes sont concernés par ce phénomène. Celui-ci est particulièrement palpable dans les zones économiques exclusives d’Etats souvent dépourvus des capacités de surveillance et de contrôles adéquates. C’est bien pour cela que des pays européens, au premier rang desquels la France, coopèrent avec les marines des pays du Golfe de Guinée pour partager leur expériences. Il l’est aussi dans les eaux internationales qui, rappelons-le, n’appartiennent à personne et à tout le monde en même temps. Et, bien entendu, les eaux françaises – riches en espèces aquatiques – ne sont pas en reste face à cette menace : en octobre dernier, la Marine nationale a effectué une saisie record de plus de quatre tonnes de produits issus de la pêche illégale au large de la Guyane. Protéger les ressources maritimes et lutter contre la pêche illicite, c’est un enjeu environnemental, économique et de souveraineté !
Il s’agit aussi d’un enjeu de sécurité : l’histoire a déjà montré que le manque de ressources naturelles amplifie le risque de conflits majeurs. Si cela est vrai pour l’eau, cela l’est tout autant pour les ressources halieutiques qui nourrissent une large partie de l’humanité. Dès lors, pour nourrir toute leur population, certaines puissances pourraient avoir recours à la violence et l’intimidation ou se prévaloir de « droits historiques » pour conquérir et exploiter de nouvelles étendues maritimes. De plus, il est fort à parier que l’essor de cette pratique aura de conséquences désastreuses pour les pays en voie de développement. Faute de pouvoir développer leurs activités du fait de l’appauvrissement des ressources et de répondre à leurs besoins alimentaires, les populations concernées seront amenées à délaisser leurs terres pour survivre… ce qui ne ferait qu’amplifier les phénomènes migratoires et les postures conflictuelles qui y sont souvent liées.
Pour préserver la biodiversité marine et garantir la paix par-delà les frontières, il est essentiel de compléter le droit international de la mer et de veiller à ce que celui-ci soit dûment respecté. En tant que deuxième puissance maritime mondiale et puissance d’équilibre, la France a une responsabilité particulière. Pour autant, cela ne signifie pas qu’elle doit être la seule à agir en faveur de la protection des océans ! Seule une action collective et des moyens concrets permettront d’avancer.