M. Jean-Michel Jacques interroge M. le ministre de l’intérieur sur la formation dispensée aux forces de l’ordre amenées à manier des armes à feu ou des armes de force intermédiaire. S’agissant des armes dites létales, un rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2018 révèle que 51 % des policiers n’ont pas bénéficié en 2017 des trois séances réglementaires d’entrainement au tir. Les gendarmes, quant à eux, étaient pour la quasi-totalité à jour pour leur formation à l’arme de poing en 2017 (97 %). Cependant, 20 % des agents susceptible d’utiliser des armes de type HK G36 n’avaient pas reçu les formations requises dans les délais prévus par la loi. Aussi, la dégradation de l’entrainement au tir de nos forces de l’ordre peut entraîner une hausse des accidents liés à des tirs. Concernant les armes de force intermédiaire telles que le pistolet à impulsions électriques (PIE), le lanceur de balles de défense (LBD) ou la grenade à main de désencerclement (GMD), force est de constater le risque de blessures induit par celles-ci et le risque de troubles de l’ordre public susceptibles de survenir suite à leur usage. En effet ces armes intermédiaires, à la létalité réduite, sont à l’origine de nombreuses blessures et ce notamment au visage. La formation dispensée aux forces de l’ordre, laquelle conditionne l’obtention d’un certificat d’aptitude, est-elle suffisante ? Par exemple, pour être habilité à manier un LBD, la formation comporte deux volets mêlant théorie et pratique. La partie théorique (3h) porte sur les règles d’utilisation de l’arme (distance, parties du corps visées, contexte d’utilisation, etc.). La partie pratique se déroule en stand de tir : cinq cartouches sont tirées pour les agents demandant une première habilitation, contre trois cartouches pour les renouvellements d’habilitation. Aussi, il lui demande de bien vouloir l’informer des éventuelles pistes de réflexion relatives à la formation des forces de l’ordre au maniement des armes létales ou intermédiaires évoquées par le ministère.
Réponse du 21/05/19
Le dispositif de formation à l’emploi de l’armement de dotation en gendarmerie doit être analysé de manière exhaustive et ne repose pas exclusivement sur la pratique du tir avec des munitions réelles mais aussi sur la maîtrise du cadre légal d’usage des armes, l’analyse de situation et la mise en application des principes de gradation dans l’emploi de la force. Pour être habilité à l’emploi d’une arme en dotation, le militaire de la gendarmerie doit, quel que soit son statut ou son grade, détenir un certificat initial d’aptitude à la pratique du tir (CIAPT). L’obtention de ce certificat est conditionnée par la validation de trois modules de formation portant sur la réglementation (cadre légal d’usage des armes), la connaissance de l’arme (caractéristiques, conditions d’emploi spécifiques, manipulations) et l’emploi de l’arme (séances de tir, mises en situation). Une fois le CIAPT obtenu, le militaire de la gendarmerie est soumis tout au long de sa carrière au suivi régulier de séances d’entretien des acquis au cours desquelles il suit à nouveau les trois modules. Ces séances sont notamment l’occasion de rappeler les principes de proportionnalité et d’absolue nécessité conditionnant tout recours à des moyens coercitifs. En complément des séances dédiées à l’obtention des CIAPT ou à l’entretien des acquis, les militaires suivent des séances d’entraînement complémentaires pouvant comprendre des séances de tir avec des munitions réelles et des munitions à effet réduit. Il s’agit également de séances d’entraînement sans munition mais favorisant, par la répétition de mouvements, une meilleure maîtrise de l’arme, et ainsi, une plus forte concentration du militaire sur l’analyse de la situation rencontrée en intervention. Les perspectives d’évolution visent tout d’abord à encourager les mises en situation et l’analyse de situation afin de permettre aux militaires engagés de prendre les décisions qui s’imposent avec toujours plus d’efficience et d’efficacité. En complément de la formation spécifique à l’emploi de l’armement de dotation, la formation militaire reçue par tout gendarme au cours de sa formation initiale garantit également un respect de l’adversaire et des règles éthiques et déontologiques. La discipline et le sens de l’engagement insufflés dès cette formation initiale permettent dans la très grande majorité des cas d’obtenir une désescalade de la violence sans avoir recours à la coercition. Concernant la police nationale, en termes de formation initiale, les élèves-gardiens de la paix bénéficient des programmes d’habilitation au pistolet automatique Sig Sauer et au pistolet mitrailleur HK UMP 9mm. S’agissant des armes de force intermédiaire, ils sont habilités aux bâtons de police, au lanceur de grenades Cougar ainsi qu’à la grenade à main de désencerclement. Ils bénéficient par ailleurs d’une sensibilisation au pistolet à impulsions électriques. S’agissant de la formation initiale des officiers de police, les élèves officiers bénéficient, outre d’un cours de 2 heures sur l’ensemble des cadres juridiques d’emploi des armes, d’un volume de 52 heures consacrées à l’armement proprement dit, dont 24 séances dédiées au tir, à la manipulation du pistolet automatique Sig Sauer et à son habilitation. L’obtention de cette habilitation est conditionnée par une épreuve comprenant manipulations et tir et fait suite à 10 séances d’entrainement préalable. Hormis les bâtons de police, les officiers ne sont habilités à aucune autre arme de force intermédiaire au cours de leur formation initiale. Pour autant, une information est donnée sur l’utilisation et le cadre juridique d’emploi des pistolets à impulsions électriques, des lanceurs de balles de défense de 40mm et des lanceurs de grenades. Par ailleurs, une formation de 4 heures est dispensée sur l’usage des grenades. S’agissant de la formation initiale des commissaires de police, ces derniers sont habilités au pistolet automatique Sig Sauer et familiarisés à toutes les armes en dotation collective et armes de force intermédiaire. Concernant la formation continue, l’organisation des séances de tir et l’entraînement aux techniques et à la sécurité en intervention constituent une obligation de suivi d’un minimum de 12 heures annuelles d’entraînement pour l’ensemble des fonctionnaires actifs de police et des adjoints de sécurité. En complément, la mise en place d’un dispositif national de formation accompagnant l’adoption en 2016 du « schéma national d’intervention » (destiné à mieux répondre aux attaques terroristes) permet d’habiliter les policiers au port et à l’usage des nouvelles armes d’épaules en dotation et de mieux les préparer aux situations les plus meurtrières. S’agissant des armes de force intermédiaire, l’instruction commune à la police et la gendarmerie nationales en date des 27 juillet et 2 août 2017 pose le principe d’une habilitation préalable obligatoire pour pouvoir être doté d’une arme de force intermédiaire, soumise à recyclage dont la périodicité est fixée à 3 ans. L’architecture globale des formations d’habilitation aux différentes armes de force intermédiaire est toujours bâtie sur une partie théorique et sur une partie pratique. Une évaluation est systématiquement réalisée. Elle porte à la fois sur la maîtrise de l’environnement juridique et déontologique, sur la vérification de la mise en service sécuritaire de l’arme et sur la précision des tirs réalisés. Lors des formations au lanceur de balles de défense de 40mm par exemple, un taux de 100 % d’impact en cible ainsi que l’atteinte de zones corporelles précises sont exigés des candidats pour pouvoir être habilités. Les mêmes règles d’évaluation prévalent pour les recyclages.