Le vendredi 7 février dernier, j’ai assisté au discours du Président de la République Emmanuel MACRON, chef des Armées, prononcé devant les officiers stagiaires de la 27e promotion de l’Ecole de guerre ainsi que les auditeurs du Centre des Hautes Etudes Militaires et portant sur la stratégie de défense et de dissuasion française.
Ce discours s’inscrit dans la tradition de la Vème République où chaque Président a prononcé au moins une grande allocution publique sur la doctrine française de dissuasion nucléaire durant son mandat. A cette occasion, le Président délivre un message de détermination politique et de transparence sur les fondamentaux et les spécificités de la doctrine française.
Garant du temps long, le Président a fait le choix de présenter aux jeunes générations d’officiers sa vision de l’état du monde et son ambition en matière de sécurité et de défense pour la France et l’Europe, dans la prolongation de ses interventions à la Sorbonne en septembre 2017 ou encore de Cracovie en début de semaine.
Aboutissement d’une réflexion lancée il y a plusieurs mois, ce discours fait le constat lucide de la fin d’un cycle post-Guerre Froide et d’un environnement mondial marqué par de profondes ruptures des équilibres stratégiques, politiques, juridiques et technologiques.
• Qu’il s’agisse du retour des rapports de force entre puissances, adoptant un comportement décomplexé mêlant cynisme et ambiguïté, ou encore de la déconstruction progressive de l’architecture internationale de sécurité et du multilatéralisme, le champ et les modalités des confrontations interétatiques s’étendent et le risque d’escalade non maitrisée s’accroît.
L’ambition européenne du Président s’y affirme dans un « appel au sursaut » pour des Européens qui ne peuvent être, dans ce nouvel environnement stratégique, des spectateurs passifs mais des acteurs crédibles reprenant la maitrise de leur destin.
• Le Président rappelle qu’il a pris des décisions inédites pour consacrer un effort durable à l’outil de défense français, afin de l’adapter à la réalité de l’environnement international.
• Il appelle les Européens à réaliser l’investissement indispensable à la préservation de la souveraineté et de la liberté d’action de l’Europe.
• Il encourage les Européens à se saisir de l’enjeu, à définir leurs intérêts de sécurité et à promouvoir ensemble un agenda international pour la maîtrise des armements, car, après la fin du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), ils ne peuvent laisser le débat se dérouler au-dessus de leur tête, dans une relation directe et exclusive entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine.
Attachée à la logique d’un désarmement nucléaire qui serve la sécurité et la stabilité mondiale, la France a un bilan unique au monde, conforme à ses responsabilités, qui lui donne la légitimité pour demander aux autres puissances nucléaires des gestes concrets en direction d’un désarmement global, progressif, crédible et vérifiable.
• Le Président appelle au respect strict de la norme centrale que constitue le traité de non-prolifération nucléaire et propose un agenda crédible et réaliste de désarmement nucléaire autour de l’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes, de l’universalisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ainsi que de travaux internationaux sur la vérification du désarmement nucléaire et sur la réduction des risques stratégiques.
• Afin de construire une véritable culture stratégique européenne, « culture qui est aujourd’hui plus que jamais au cœur de toute ambition européenne », le Président de la République propose à ses partenaires européens d’ouvrir « un dialogue stratégique sur le rôle de la dissuasion nucléaire dans la sécurité de l’Europe » et « à ceux qui souhaitent s’engager sur cette voie une forme d’association aux exercices des forces françaises de dissuasion. »
Nouveauté par rapport à ses prédécesseurs, le Président de la République explicite le sens d’une stratégie de dissuasion dans l’environnement international dégradé d’aujourd’hui.
• Il reconnaît l’existence d’un débat éthique, qui n’est pas nouveau, mais aussi d’un débat juridique et stratégique. Détaillant les principes stratégiques et éthiques de la doctrine française, strictement défensive, claire et prévisible, conforme à notre statut d’Etat doté, reconnu par la communauté internationale, le Président estime « que le choix n’est pas entre un absolu moral sans lien avec les réalités stratégiques et une retour cynique au seul rapport de forces sans le droit ». Il refuse de tomber dans le piège de cette « fausse alternative », déstabilisante pour l’architecture de sécurité internationale.
• Replaçant le rôle de l’arme nucléaire dans le cadre politique plus large de sa vision de l’ordre mondial, il annonce que « la France n’adhérera pas à un traité d’interdiction des armes nucléaires », rappelle que le rôle de la dissuasion doit être « circonscrit aux circonstances extrêmes de légitime défense » et appelle les dirigeants des autres puissances nucléaires « à faire preuve de la même transparence dans leur doctrine de dissuasion et à renoncer à toute tentation d’instrumentalisation de cette stratégie à des fins coercitives ou d’intimidation ».
• Il fixe dans ce contexte l’objectif d’œuvrer à l’instauration d’une gouvernance mondiale efficace, capable d’établir le droit et de le faire respecter, en limitant la violence dans les relations internationales.
Lucidité sur l’état du monde, vision de long terme au service de la Paix et détermination de la France à rester maîtresse de son destin dans une Europe refondée autour d’une culture stratégique partagée, tels sont les messages que le Président de la République a souhaité transmettre aux futurs chefs militaires auxquels il s’adressait aujourd’hui à l’Ecole de Guerre.
Source : porte-parolat du Gouvernement