POINT DE VUE. Acceptons l’idée d’un engagement long au Sahel
Oui, la réalité du terrain est si complexe, qu’il nous faut accepter l’idée d’un engagement de long terme au Sahel ; celui-ci ne revêt pourtant pas la forme d’une simple opération militaire.
Qui est l’ennemi ?
Les groupes armés terroristes, bien sûr, contre lesquels notre supériorité opérationnelle ne fait pas de doutes, si ce n’est que nous devons permettre à nos armées une grande agilité afin de palier la nature asymétrique du théâtre.
Mais l’ennemi n’est pas uniquement celui qui porte les armes, l’adversaire au Sahel est multiforme : difficultés de développement, de gouvernance, d’éducation, de régulation de la natalité, formation des forces de sécurité… les facteurs nourrissant la demande sociale de violence, constituant le terreau de l’idéologie djihadiste, et alimentant la criminalité transfrontalière, sont nombreux.
Pourquoi sommes-nous engagés ?
En 2013, à la demande du Président malien, les armées françaises ont stoppé les colonnes djihadistes s’abattant sur Bamako. Il ne s’agit pas d’une description irréaliste, mais imaginons un instant un Sahel constitué d’États faillis : quelles seraient les conséquences humanitaires pour ces populations ? Quelles répercussions sur l’immigration irrégulière ? Les trafics d’êtres humains ? Comment alors endiguer ces phénomènes qui auront nécessairement un impact déstabilisant pour l’Europe, si nous ne soutenons pas aujourd’hui nos partenaires au Sahel ?
Comment gagner la paix ?
Si les succès des opérations Barkhane sont remarquables, des succès tactiques n’ont jamais fait une victoire stratégique. Ainsi, nous devons aller au-delà et repenser l’ensemble du continuum sécurité-développement dans l’optique d’une réelle approche globale. S’il est évident que la France ne pourra assurer éternellement la stabilité du Sahel, elle doit tout faire pour accompagner son émergence intrinsèque. Seule une refonte des logiques préexistantes entourant l’aide au développement, et la restructuration de l’État malien, permettront d’éviter l’écueil d’être perçus comme une armée d’occupation pour devenir une véritable force acceptée.
Endiguer ce phénomène nécessitera la réunion de plusieurs conditions cumulatives :
D’abord en conditionnant l’aide publique au développement à une exigence de transparence, et de redevabilité, en encourageant la décentralisation de la gestion des fonds avec un contrôle local et par les bailleurs. Un effort substantiel doit également être mené pour l’éducation, notamment des femmes, afin de maîtriser les naissances.
La formation, le financement et le déploiement des forces de sécurités intérieures doivent être une priorité portée par les États sahéliens, avec l’aide de la communauté internationale.
La coopération des pays d’Europe sera elle aussi fondamentale. L’annonce de la création de la taskforce Takuba, réunissant des unités de forces spéciales européennes, est une réelle avancée qui s’inscrit dans l’esprit de l’Initiative européenne d’intervention. La France est fermement engagée pour la stabilité du Sahel. Elle contribue ainsi à la sécurité de l’ensemble de l’Europe. Si nous acceptons de payer le prix du sang, il est logique que nos partenaires européens assument davantage leur juste part.
Retrouvez la tribune sur le site du Ouest France sur le lien suivant : https://www.ouest-france.fr/politique/defense/point-de-vue-acceptons-l-idee-d-un-engagement-long-au-sahel-6636986