Tribune paru dans le journal « Les Echos » du 3 mai 2018
Sans intervenir dans l’élection du président du Medef, nous souhaitons interpeller ses dirigeants sur un sujet central pour ceux qui œuvrent à la réconciliation des Français avec l’entreprise : êtes-vous prêts à rompre avec des positions conservatrices héritées du passé mais que plus rien ne justifie aujourd’hui ? Parlementaires de la majorité présidentielle, nous sommes des alliés résolus des entreprises pour les aider à innover, investir, créer de la richesse et des emplois. Cette stratégie est au cœur de la politique économique du président de la République et des lois que nous votons. Pour la mettre en œuvre, nous prenons des risques politiques, que nous assumons. Favoriser la compétitivité des entreprises, ce n’est pas faire des « cadeaux » aux patrons ou aux actionnaires. C’est donner du travail aux chômeurs, sécuriser les salariés et dégager les moyens d’une protection sociale ambitieuse.
La compétitivité n’est pas seulement affaire de charges, de droit du travail ou de normes. Souvent issus de l’univers de l’entreprise, nous savons qu’elle inclut bien d’autres dimensions : un meilleur partage de la valeur, l’engagement contre les discriminations, la fidélisation des salariés, la réputation auprès des clients et, bien sûr, la prise en compte des enjeux environnementaux. Tous ces facteurs concourent à la création de valeur et invitent les entreprises à adopter une vision large de la compétitivité, incluant un plus grand engagement au service de la Cité.
Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), que porte Bruno Le Maire, leur offre la chance de démontrer qu’elles y sont prêtes. Le ministre de l’économie et des finances s’est engagé à reprendre les propositions du président de Michelin, Jean-Dominique Sénard, et de l’ancienne secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, introduisant dans le Code civil l’obligation pour l’entreprise de « considérer les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » et lui permettant de définir sa « raison d’être », afin de pérenniser un objet social élargi qui ne se limite pas à la seule maximisation de son profit.
Ces propositions équilibrées ont été saluées par une très grande majorité d’acteurs. Une très grande majorité, mais pas tous. Tel le village d’Astérix, le Medef résiste encore et toujours au progrès, quand ce n’est pas lui qui le réclame. L’actuel Président du Medef et tous les candidats à sa succession évoquent une « boîte de Pandore » juridique. A tort : le précédent britannique démontre que les contentieux n’ont pas augmenté après la modification de la loi en 2006. Pierre Gattaz dit faire confiance à l’autorégulation. Chiche ! Mais ses propositions ne nous semblent pas, là non plus, à la hauteur des enjeux. Il faut aller plus loin. Reprendre l’idée, déjà appliquée avec succès par quelques grands groupes, de la création de comités de parties prenantes qui éclaireraient les décisions du conseil d’administration.
Faire progresser la transparence des conseils en publiant des déclarations annuelles de conflits d’intérêts des administrateurs. Et confier le contrôle de la bonne gouvernance des entreprises à une instance qui ne soit pas désignée exclusivement par le Medef et sa cousine, l’Afep.
Les Français aiment leur propre entreprise, mais se méfient de toutes les autres. Longtemps, les responsables politiques ont entretenu les faux clivages, par manque de courage ou méconnaissance des réalités économiques. Depuis un an, la donne politique a changé. Notre défi est crucial : réconcilier les Français et l’entreprise. Nous ne le relèverons que si le Medef démontre, à l’occasion de la loi Pacte, qu’il est prêt à faire mentir la réputation de conservatisme qui conduit un nombre croissant de patrons à ne plus se reconnaître en lui.