Tribune parue dans Le Télégramme le 18/11/20.
Alors que notre pays traverse une crise économique et des bouleversements géopolitiques sans précédent, l’inertie et le mutisme du groupe Renault sur l’avenir de la Fonderie de Bretagne à Caudan ne peut que susciter un certain agacement et une légitime exaspération … qui plus est lorsque l’on sait que l’entreprise française préfère maintenir une partie de la production délestée à la suite de l’incendie du site morbihannais de mai 2019 en Turquie.
Cette délocalisation ne devait être que provisoire, le temps que le site de Caudan puisse être à nouveau pleinement opérationnel. Aujourd’hui, grâce aux 8,2 millions d’euros d’argent publics investis depuis 2009 par l’Etat et les collectivités territoriales, l’usine de Caudan a été entièrement rénovée et a retrouvé l’entièreté de ses capacités de production. Pourtant, cela n’a pas empêché le groupe d’annoncer en mai dernier la fermeture du site. Cette annonce avait suscité une forte et légitime mobilisation des salariés et des élus locaux à la suite de laquelle la direction de Renault avait été contrainte de revenir sur sa décision. Il avait même été acte qu’une revue stratégique soit lancée afin de décider de l’avenir du site. Qu’en est-il de la concertation à ce jour ? Rien. Et ce n’est certainement pas la stratégie de grand immobilisme utilisée par le groupe qui pourra mener à quelconque avancée. D’ailleurs, il est fort à parier que Renault profite des 8 milliards d’euros investis en soutien à la filière automobile et du prêt massif de l’Etat dont il a pu bénéficier à hauteur de 5 milliards d’euros au lendemain de la crise sanitaire pour accentuer le mouvement de délocalisation qu’il entreprend depuis des années.
Le choix du groupe Renault d’asseoir ses capacités de production en Turquie ne tombe pas du ciel. Il résulte avant tout des avantages stratégiques notoires qu’il pourrait en tirer (gains en termes de masse salariale, position géographique, etc.). Pour autant, cette décision n’est pas acceptable, tant d’un point de vue économique que d’un point de vue géopolitique. Le groupe n’est pas sans savoir que la Turquie critique ouvertement la France, ni même que les tensions sont fortes avec ce pays sur différentes dossiers (déni de souveraineté de la Turquie dans les eaux méditerranéennes, frictions autour du dossier libyen, etc.) et encore moins que le président turc appelle au boycott des produits français sur son territoire !
La stratégie du groupe est indigne des efforts budgétaires considérables et financés par nos concitoyens afin d’assurer la pérennité de ses activités. Le contexte économique et social qui ébranle la France impose au groupe Renault une certaine forme de responsabilité : en aucun cas il ne doit échapper au principe de redevabilité vis-à-vis des aides consenties par la Nation à son égard.
Son inertie concernant l’avenir du site de Caudan, son cynisme envers ses salariés, son manque de redevabilité vis-à-vis de l’Etat et son absence de responsabilité flagrante qui le mène à mettre en péril la souveraineté industrielle de la France pour renforcer celle d’un pays qui nous est hostile ne peuvent qu’aujourd’hui susciter des doutes quant à la fibre patriotique de ses dirigeants.